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  • Photo du rédacteurL'Orthographeuse

Mon bisaïeul était fort en orthographe. Et le vôtre ?



En ce 11 novembre 2021, mon arrière-grand-père aurait l'âge canonique et improbable de 132 ans. Je ne l'ai jamais connu. Ce que je savais de lui jusque-là, c'est qu'il m'avait donné la plus douce et la plus magnifique des grands-mères. Un très bel héritage, s'il en est (Georgette, si tu m'entends...)

Un deuxième trésor est venu par la main de ma mère il y a quelques jours. Elle a sorti, timide, de son buffet, comme par magie, un précieux manuscrit rédigé par mon bisaïeul Georges Quesney durant ses classes effectuées à Verdun, à la caserne de Miribel où il a été incorporé le 4 octobre 1910 au 151e régiment d'infanterie.

Ce journal de bord résonne en moi d'une manière très particulière : je ne m'attendais pas à y découvrir cette écriture délicate et sans faute pour un homme modeste de cette époque.

C'est le genre d'objet qui vous inscrit dans votre lignée : tout à coup, vous comprenez pourquoi vous êtes à votre place de formateur en orthographe, pourquoi vous aimez tant certaines expressions grivoises, le patois, la linguistique, les langues. C'est dans votre ADN mais vous l'ignoriez jusque-là !

Chansons grivoises, récits décalés et humoristiques, textes sensibles dont j'ignore l'origine composent ce manuscrit sorti de nulle part, comme autant de témoignages d'un homme de 20 ans vivant son service militaire et comptant les jours. Deux ans de service. Une éternité pour cette jeunesse.

Mon arrière-grand-père était sur le champs de la Grande Guerre d'où il est revenu trépané et meurtri par un éclat d'obus à la tête. Trois ans plus tard, en 1921, il devenait certainement le très heureux père de Georgette, ma grand-mère bien-aimée.

En mémoire de mon bisaïeul et en ce jour si particulier de célébration de la fin de la 1re Guerre mondiale, j'ai dactylographié un de ses textes qui pourrait s'intituler "Le contrat de mariage du Capalesou" (manuscrit original en vidéo de ce billet). C'est fin et loufoque, suffisamment drôle pour retenir votre attention jusqu'au bout de sa lecture. Au plus profond de moi, j'aimerais que ce texte soit de lui.


Le contrat de mariage du Capalesou

L’an dix-neuf cents et quelques à l’heure précise de midi moins cinq juste à l’horloge de l’espérance ont comparu devant nous :

Polycarpe Anseline, Hilarion, Cyrille, Barnabé Onesines Anastanie Brindezine, Christophe Brindezine, notaires à Mézidon assisté de Claude François Sébastien Beedefouine.

1° Joseph Capalesou rempailleur de chaudrons né à la Rochetrouée, canton de la Débine, arrondissement de la Pierée, département de la Mistouffe, âgé de bien plus que ça mais paraissant beaucoup plus jeune, taille cinq pieds quatre pouces, barbe, cheveux couleur queues de vaches, oreille de chaque côté de la tête, front qui ne demande qu’à devenir proéminent yeux couleur de puces, bouche d’empeigne, menton de polichinelle, visage en forme de derrière de voitures à crottes ! Signes particuliers : un poil dans la main et une forte envie de boire entre le nez et le menton.

2° Catherine Bouche en cœur dit « la désolée », marchande de prêt de même à la vanille dans les foires et autres lieux, née au Hameau du Hasard, commune de Partout, canton de Nulles, département de N’importe, et âgée de dix-huit printemps et trois étés, des mois d’école et de nourrice, taille guêpe un peu déformée à cause de « ça ne vous regarde pas », oreilles en forme de plat à barbe, cheveux tomates, nez en forme de gouttières fendues jusqu’aux oreilles, menton en galoches, front en coin de rue, figues de bois ! Signes particuliers : myope, bancale et manchote.


Entre lesquels époux il a été convenu et paragraphé ce qui suit :


Le père Joseph Capalesou déclare sur le territoire de la Déveine au lieu-dit la Fatalité donner à son fils le jour de ses noces dotation des biens ci-dessous désignés :

1) Une trentaine d’arpents de terre qu’il possède sur le territoire de la Déveine.

2) Une partie de son mobilier consistant en un lit de rivière, une table de multiplication, une chaise percée, un coucou rempaillé, un vieux buffet devant lequel il pourra se livrer quand bon lui semblera à la danse du ventre, une batterie de cuisine composée de douze fourchettes et de douze cuillères en osier, douze assiettes en molesquine, douze couteaux à couper l’appétit, douze cuillères à café en racine de fraisier.

3) Les objets provenant de sa grande robe, la veste qu’il a remportée aux dernières élections, la culotte qu’il a prise aux cafés des Trois barriques, une paire de bottes d’asperges et une traite de cent-soixante-quinze bâtons payables à présentation de ce titre.

La mère de Catherine déclare de son côté donner à sa fille :

1) Un soufflet, une paire de pincettes pour trier les vers hors du nez et un trousseau complet, une robe en taffetas d’Angleterre, un jupon en poil de sangsue teint au noir de fumée, une paire de bas en fil de fer et une chemise en duvet de grenouille, une paire de souliers avec une faveur rose et un coffre-fort en pain d’épices à secret de polichinelle, un oreiller moelleux, un traversin en pierre de taille, un chagrin garni de dentelles. Elle ajoute une boîte de poudre d’escampette dans le cas où sa fille voudrait reprendre sa liberté en cas de décès de l’un des époux survenu par suite de cessation d’existence. L’avoir, s’il y en a, appartiendra au dernier vivant. Les enfants regarderont par la fenêtre pour voir passer les moutins.

En foi de quoi et après la lecture signée et paragraphée le présent contrat de mariage.

Des témoins parents et amis des époux François Ganetou, Jacqueline Robinette, Philippe Géronnés, Martin Lendormi, Madame Laricot et Jules Saucisseplate.


A Verdun, 15 août 1912.

Georges Quesney


Encore 40 à Miribel.



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